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L’école poursuit de multiples missions : instruire, éduquer, former à la citoyenneté, mais aussi trier et hiérarchiser, au nom de la « méritocratie ». Les effets pervers en sont connus de longue date : compétition scolaire, élitisme qui exclut toute une partie de la jeunesse et met sous pression les familles. Peut-on rêver d’un système plus juste ? Comment tenir la double exigence de l’ouverture à tous et de la quête de l’excellence ? Comment reconnaître aussi bien les compétences manuelles et technologiques que les compétences générales ? Suffit-il de réformer ou faut-il révolutionner ? François Dubet, professeur émérite de sociologie à l’université de Bordeaux et ex-directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, a publié cet été avec Marie Duru-Bellat L’Emprise scolaire. Quand trop d’école tue l’éducation (Presses de Sciences Po, août 2024, 248 pages, 16 euros).
Pour une raison simple : il n’y a pas d’autre manière de se former que l’école. Donc la forme scolaire bénéficie d’une sorte d’hégémonie, et cette emprise a un effet pervers : d’une certaine manière, le mérite scolaire devient la seule forme de mérite acceptable. Au fond, puisque tout le destin social se joue par le diplôme, tout le monde va faire tout et n’importe quoi pour avoir le plus de diplômes possible. Cela a deux effets. D’abord, l’efficacité éducative est plutôt déclinante : le niveau des élèves monte parce qu’ils font plus d’études, mais leur niveau relatif baisse. Ensuite, ce système engendre une compétition continue – on le voit notamment avec Parcoursup –, et les vaincus de ce système, au lieu d’adhérer aux valeurs de l’école, se retrouvent contraints.
Il y a peut-être aussi une conséquence plus sourde. La distance entre les compétences académiques et professionnelles ne cesse de se creuser, dévalorisant en continu les secondes. Il faudrait peut-être changer de politique. Ce qui ne veut pas dire moins d’éducation, mais faire en sorte que tout ne se joue pas, sans cesse, toujours et de plus en plus, à l’école.
L’école fait fatalement les deux. Mais plus l’emprise scolaire est forte, plus la préparation à l’emploi l’emporte. C’est pour cela que nous disons qu’il faut revoir la scolarité commune jusqu’au collège pour s’occuper de la formation des citoyens, des compétences élémentaires. Ce n’est que la première étape de la course à l’échalote vers les plus grands diplômes. Ce que l’on constate aussi, c’est que le temps où l’école avait au fond une sorte d’autorité culturelle indiscutable est quand même loin derrière nous.
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